Depuis la création du Domaine en 1932, le lotissement d’Héliopolis s’est construit autour d’une utopie urbaine, sociale et spatiale, caractérisée par une très grande hétérogénéité. Les nombreuses habitations qui émaillent aujourd’hui le Domaine n’ont aucun style ou particularisme défini et l’on peut observer au hasard des corniches aussi bien une caravane vétuste posée sur parpaings dans une pente improbable qu’une somptueuse maison d’architecte, parfaitement intégrée dans le rocher ou le végétal.
Quelques maisons remarquables sont les points d’orgue de cet ensemble atypique, cependant intimement influencé par une nature omniprésente et résolument tourné vers la mer et le soleil : l’Oeil , véritable architecture rocheuse, dissimulée dans la pierre ; la Siesta, maison de plâtre aux rondeurs d’escargot ; la Licorne, longtemps dénommée la Barbaresque, héritière des principes de Le Corbusier ou Mallet-Stevens.
L’OEIL
Conçue en 1973 par l’architecte Bernard Oberer, l’Oeil fait référence aux architectures situationnistes américaines de Frank Lloyd Wright et Richard Neutra. La roche sur laquelle s’appuie l’Oeil est la dernière pièce de la maison. Celle ci s’articule autour de 4 modules en béton hexagonaux dont la disposition offre une autonomie d’usage par rapport au noyau central.
Plusieurs niveaux de terrassements viennent s’appuyer sur la roche :
* Le niveau supérieur correspond aux espaces communs : entrée, cuisine, séjour, chambres principales et chambres d’invités indépendantes.
* Le niveau inférieur correspond aux pièces de service : lingerie, débarras et une dernière chambre et sa salle de bains.
La forme triangulaire des plateaux, comme découpée dans la masse, rappelle la pente rocailleuse du terrain.
La pente naturelle du terrain est l’atout principal utilisé par l’architecte. Par un jeu élégant d’escaliers, de passages couverts et de terrasses, il parvient à dégager des cadrages sur la roche, la mer et la nature environnante. Chaque pièce a sa propre vue, sa propre lecture du terrain.
Des coffres à vent ont été intégrés entre la roche et le béton et ventilent naturellement les sols tout en tempérant les phénomènes venturi (vent trop violents sur les façades). Gris, beige, noir, rouge ; la façade est en interaction avec les changements du temps. Les enduits utilisés captent la lumière et apportent un second rythme dans la lecture du bâtiment.
Dans le plan initial, Oberer avait également dessiné le mobilier : chaises, tables, foyers, bacs de douche, en reprenant le triangle comme base commune, complétant ainsi l’architecture de la maison.
La SIESTA
Construite en 1974 par les architectes Jacques Freudental, François Laguerre et Loïc Bregeon, la Siesta fait partie des 10 expériences en France de constructions en plâtre. Son plan central circulaire, typique des années 70 (maisons escargots), permet une distribution égale des pièces.
Le plâtre, matériau trop peu résistant pour assurer la portée d’une toiture, est ici renforcé par un système de panneaux sandwichs très épais.
De l’extérieur vers l’intérieur, on trouve : du plâtre hydrofugé projeté sur la structure métallique, des tirants métalliques, un isolant, un vide d’aération, un isolant, du plâtre classique.
Le plâtre est un excellent isolant qui permet de protéger l’intérieur des fortes chaleurs.
Dans les années 70, de nombreux architectes imaginent une structure d’habitat en spirale, permettant un agrandissement quasi infini de la maison selon les évolutions de la famille. Le point central, espace commun, distribue les parties secondaires et privées.
La Siesta s’appuie sur ce schéma ; partie d’un cercle, elle se déforme selon la fonction de la pièce. Ouverture à l’Est pour les deux terrasses des chambres, repli au Sud pour signaler l’entrée et utiliser la toiture comme auvent.
Comme pour de nombreuses maisons levantines, les architectes ont prévu un plateau de récupération des eaux de pluie. Le terrain est remodelé avec des pentes convergentes vers l’ancien puits, antérieur à la construction.
Un second réservoir a été intégré à la toiture de la maison. Les courbes des murs forment une continuité avec la toiture et redescendent vers un coffrage.
La Licorne
Construite en 1969-1970 par les architectes J. Aubert et A. Lefèvre pour l’actrice Rita Renoir, face au domaine du Gaou Bénat qui les a fait connaître, la Licorne est à peine visible depuis la mer.
Ils mettent en oeuvre les principes d’effacement et de disparition. Inspirée de l’architecture moderne méditerranéenne et du Japon – constructions basses, élimination des cloisons inutiles, aires ouvertes, cheminée massive, forte horizontalité – la maison est marquée par les acrotères et les vues traversantes sur la mer. Les fondations, solidement ancrées dans le socle rocheux, s’adaptent à la configuration du terrain.
Pour cela les architectes ont utilisé la pierre de Bormes en façade et sur les terrasses. Très similaire à celle du Levant, elle permet à la maison de s’effacer dans le maquis. Les limites entre l’intérieur et l’extérieur sont volontairement floues. Erigée sur son rocher, l’ensemble est intimement lié à son environnement, comme faisant partie des éléments végétal et minéral.
Le toit terrasse végétalisé au Gaou Bénat, prend ici un tout autre usage car il récolte des eaux pluviales pour alimenter une grande citerne cachée dans la structure de la maison dont l’eau, après traitement, est utilisée pour les usages courants (vaisselle, douche et sanitaires).
A l’intérieur, la circulation entre les pièces est fluide, grâce à l’absence de cloisons et de portes. Seuls quelques panneaux coulissants permettent d’isoler la chambre de la grande pièce de vie. Les larges baies vitrées en pin de Caroline et l’absence de barrières accentuent cette impression d’ouverture sur la mer, l’horizon et la liberté